Un de nos lecteurs, qui a eu l’occasion de traverser la Normandie en chemin de fer, a remarqué que, dans la plaine de Caen, les chevaux se trouvent dans les prés au piquet et il nous demande quel est le mode d’attache employé dans ce pays.
Nous sommes heureux de pouvoir donner ici non seulement la description de ce système d’attache, mais encore des figures explicatives. Les figures 22 et 23 représentent : la première, les chevaux au piquet dans la plaine de Caen ; la seconde, le mode d’attache avec tous ses détails. Il consiste en un piquet en bois a, long de 30 à 35 centimètres ; en un anneau, (tignette) oblong b, ou carré c en fer, dans lequel passent deux clous tournants d d, formant anneaux en dehors. A chacun de ces anneaux, on fixe une corde ; l’une d’elles, e, est reliée au piquet, l’autre, f, au licol du cheval. On peut remplacer cette dernière par une légère chaîne de fer.
Grâce aux clous qui tournent librement dans la tignette, les cordes ne sauraient jamais ni se tordre ni se mêler, si multipliées que soient les marches et contre-marches de l’animal piqué, comme on dit en Normandie. Mais on a une garantie de plus contre la torsion de la corde ou de la chaîne, si on la fixe au licol avec un clou tournant q et par son autre extrémité à un autre anneau en fer, tournant aussi et placé au-dessous de la tête du piquet h. Alors toutes les parties de l’attache obéissent aux moindres mouvements de l’animal et les suivent.
Le piquet de bois est préférable au piquet de fer, parce qu’il tient mieux en terre et parce que, si le cheval venait à l’arracher, il y aurait moins de risques qu’il se blessât, lui ou ses compagnons, en trainant ce piquet. Ajoutons que les chevaux prennent promptement l’habitude des piquets et qu’ils deviennent même fort adroits à éviter la gêne, les embarras que pourrait leur occasionner la corde.
Dans toute sa longueur, l’attache mesure de 6 à 7 mètres, de sorte que chaque cheval, au bout de sa longe, peut parcourir un cercle d’une vingtaine de mètres. Mais, pour éviter le gaspillage du fourrage, on ne laisse pas à la longe toute cette longueur, on la raccourcit au moyen de nœuds qu’on défait à mesure que l’herbe est consommée dans le rayon le plus étroit. Enfin, on ne change les piquets de place que lorsque les animaux ont dépouillé toute la surface qu’ils peuvent atteindre. A côté, chaque cheval a une auge en bois dans laquelle on donne, suivant l’occurrence, de l’eau ou de l’avoine. Le gardien des chevaux s’abrite dans une cabane roulante.
A. LEBLOND
Source : A. Leblond , «Les chevaux au piquet»,
Journal d'agriculture pratique, 1891, vol. 2, p. 234-236.