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Le broyeur d'ajonc Texier en Bretagne

On a reconnu depuis longtemps les avantages de l’ajonc employé pour l’alimentation des animaux. En effet, Querbrat-Calloet, dans son ouvrage sur la multiplication des chevaux, publié en 1666, parle de l’utilité de cette plante pour la nourriture des poulains. On a constaté aussi que l’ajonc donne de la qualité au lait et au beurre des vaches qui s’en nourrissent. Enfin la science est venue confirmer les observations de la pratique, en montrant que la valeur alimentaire de l’ajonc est supérieure à celle de tous les autres fourrages verts.

Cette plante est d’autant plus précieuse, qu’elle est peu exigeante au point de vue du terrain, qu’elle améliore à l’égard de l’azote, puisque, comme les autres légumineuses, elle tire de l’atmosphère une grande quantité de cet élément ; qu’elle forme des prairies artificielles d’un très grand rendement, sans nécessiter de soins d’entretien, et enfin qu’elle permet d’offrir aux animaux un excellent fourrage vert, depuis le commencement de novembre jusqu’à la fin de mars.

Tous ces avantages ont, depuis longtemps, attiré l’attention des cultivateurs de certaines régions de la France, et particulièrement de la Bretagne, où l’ajonc est cultivé sur d’assez grandes surfaces. Si cette culture n’est pas plus répandue, c’est surtout à cause du travail pénible et dispendieux qu’exigeait l’ajonc avant d’être donné en nourriture aux animaux, pour émousser les nombreuses épines dont il est armé. Ce travail se faisait autrefois, et se fait encore dans les petites exploitations, à main d’homme. On dispose l’ajonc, en couche épaisse, sur une estrade en bois ; on le coupe d’abord en tronçons au moyen d’une hache, puis on le broye avec un marteau en bois. M. de Lorgeril a constaté que « 36 kilos d’ajonc convenablement préparé avaient exigé 1 084 coups de hache et 600 coups de marteau, et qu’un ouvrier ne pouvait pas broyer par jour plus de 252 kilos d’ajonc, lorsque toutes les circonstances étaient favorables ». On voit combien cette préparation est peu pratique pour une exploitation considérable. De plus, il est indispensable de pouvoir préparer rapidement de grandes quantités d’ajonc ; car il s’altère en peu de temps lorsqu’il a été broyé.

Aussi a-t-on cherché à construire des instruments propres à produire le même effet ; le broyeur construit d’après les conseils de M. de Troguindy, par MM. Texier père et fils, ingénieurs-mécaniciens à Vitré, permet de broyer rapidement une quantité considérable d’ajonc, et son prix peu élevé permet de l’introduire dans toutes les exploitations.

Le broyeur d’ajonc de MM. Texier a subi, depuis le concours de Laval en 1886 où il a fait sa première apparition, quelques modifications de détail et est parfaitement établi dans toutes ses parties. Le dernier modèle (fig. 15) est monté sur un bâti en fonte d’une grande solidité, remplaçant le bâti en bois ; les coussinets en fonte et les arbres en fer ont été remplacés par des coussinets en bronze et des arbres en acier fondu.

Les tiges d’ajonc, placées sur la plate-forme supérieure, comme on le voit sur la fig. 15, sont saisies par deux cylindres superposés, comme dans le hache-paille ; le cylindre inférieur est lissé et le supérieur est cannelé. Ce dernier, qui était mobile dans le premier modèle, a été rendu fixe, de façon que les tiges subissent une pression qui permet aux couteaux de les couper plus facilement. Le hache-ajonc présente trois lames hélicoïdales montées sur un arbre en acier actionné directement par les manivelles. Les cylindres sont mis en mouvement par un système d’engrenages réglé de telle sorte que l’ajonc est coupé en tronçons de 5 millimètres de longueur. Ces tronçons tombent sur les cylindres broyeurs situés à la partie inférieure ; l’ajonc coupé passe entre ces deux cylindres, garnis de petites dents à alvéoles, qui l’écrasent et le divisent en particules plus ou moins fines, suivant leur écartement, qui se règle à volonté ; à cet effet, l’un des cylindres est porté par des coussinets mobiles, maintenus à la distance voulue par des vis de pression. Le cylindre fixe (représenté au milieu dans la figure 16 [non reproduite ici]) reçoit son mouvement de l’arbre des manivelles par l’intermédiaire d’une chaîne sans fin (représentée en dessous sur la même figure), et communique au second cylindre une vitesse de rotation égale à la moitié de sa propre vitesse, au moyen de deux pignons dentés, montés sur les arbres de ces deux cylindres. Cette différence de vitesse facilite la division de l’ajonc en produisant, en même temps que l’écrasement, un déchirement des particules ; de plus, elle atténue la tendance à l’engorgement qui est complètement évité par l’action de deux peignes en acier qui nettoient les dents des cylindres à chaque tour.

J’ai dit qu’on pouvait régler à volonté le degré division de l’ajonc ; il faut se contenter de le broyer de manière à émousser ses aiguillons ; si la plante est trop broyée et réduite en poussière, les animaux ne la mangent pas. Depuis l’apparition de cet appareil, des essais ont été faits en Bretagne, et en particulier chez M. le comte de Troguindy, sur l’alimentation des bestiaux par l’ajonc ainsi préparé. Les résultats sont assez concluants : tous les animaux, aussi bien les porcs et les moutons, que les chevaux et les bêtes à cornes, le mangent avec avidité et sans inconvénients. On peut, d’ailleurs, voir fonctionner cet instrument au concours général où il est exposé.

L’instrument peut être mû à bras, par deux hommes ; son rendement est alors de 60 kg environ à l’heure. Mais ce travail est encore assez pénible, et il est bien préférable, si on peut disposer d’un manège ou d’un moteur à vapeur, de s’en servir pour actionner le broyeur, en remplaçant les manivelles par une poulie.

Avec un manège, on arrive à broyer facilement 100 kg d’ajonc à l’heure.

Le prix du broyeur, avec coussinets en fonte et arbres en fer, est de 200 F. ; avec les coussinets en bronze et les arbres en acier fondu, il est de 225 F.

On ne saurait, trop recommander à l’attention des agriculteurs un instrument qui permet d’utiliser une plante trop souvent négligée, pouvant produire une abondante et excellente nourriture pendant l’hiver alors qu’on n’a plus d’autres fourrages verts à offrir au bétail.

Enfin, le broyeur d’ajonc Texier peut servir aussi comme hache-paille. Il suffit pour cela d’écarter les deux cylindres broyeurs, entre lesquels tombe la paille hachée, qui peut être coupée soit à 5 millimètres de longueur, soit à 15 millimètres, si on enlève deux des lames du hache-ajonc, qui sont fixées par des boulons d’un démontage très facile.

Il remplit ainsi un double objet, ce qui diminue d’autant les frais de broyage de l’ajonc.

Jean BIGNON

ingénieur civil, ancien élève diplômé
de l'Institut agronomique

Source : J. Bignon , «Nouveau broyeur d'ajonc», 
Journal d'agriculture pratique, 1887, vol. 1, p. 201-203.

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oui
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