Chaque jour voit naître une nouvelle application de l’électricité, et l’on ne saurait fixer l’étendue des services que l’agriculture, comme les autres industries, est en droit d’espérer des merveilleux progrès de l’emploi d’une force étudié depuis un demi-siècle à peine. Déjà, plusieurs grandes exploitations agricoles et viticoles utilisent l’électricité pour éclairer les locaux oú la combustion de l’huile, du gaz ou du pétrole expose aux dangers d’incendie, pour actionner des instruments d’intérieur de ferme et même pour le labourage des champs. Nul ne saurait dire quelle transformation notre outillage agricole est appelé à subir le jour où l’on arrivera à la production économique de cet admirable agent de force et de lumière.
Je voudrais signaler aujourd’hui à nos lecteurs une modeste application de l’électricité qui me parait devoir rendre de réels services dans de nombreux cas.
Il s’agit d’un petit appareil imaginé et breveté par un Viennois, M. E. Vohwinkel, la torche électrique, représentée par la figure ci-dessus. Cette torche se compose de deux parties essentielles, la torche proprement dite et une batterie électrique de petite dimension vissée à la partie supérieure du bâton auquel elle adhère hermétiquement par un masticage. La batterie renferme trois éléments zinc-platine du plus petit modèle, l’élément platine étant formé d’une plaque de ce métal de 60 centimètres carrés. Elle correspond à 6 volts et 4 ampères. Aux deux pôles mis convenablement en communication sont attachés les fils d’une lampe à incandescence. Celle-ci est protégée contre les chocs par une enveloppe en verre très résistante dans laquelle elle est fixée solidement à l’aide d’une garniture en étoffe. La torche est remplie d’un liquide conducteur qui arrive au contact de la batterie électrique, seulement lorsqu’on incline l’appareil comme l’indique la figure 40. Dans cette position, la torche répand instantanément une vive lumière blanche qui dure une heure et demie environ. Dès qu’on redresse la torche elle s’éteint : tant que l’appareil est tenu verticalement, il n’y a aucune dépense de la batterie. Le liquide qui remplit la torche peut être très facilement renouvelé ; il en est de même de l’entretien ou du remplacement des éléments de la batterie.
Ce petit instrument, qui donne instantanément une lumière très vive et s’éteint à volonté, présente sur les lanternes ordinaires des avantages nombreux qu’il est à peine besoin d’indiquer. La torche électrique résiste naturellement aux vents les plus violents ; elle peut donc servir par tous les temps, pour s’éclairer dans les cours des bâtiments de ferme, sur une route, à travers une forêt, etc. Les rondes de nuit dans les étables, les engrangements, n’offrent aucun danger d’incendie avec cet éclairage, etc... Enfin la torche électrique permettrait de guetter dans l’obscurité des rôdeurs de nuit et de constater leur identité, un simple mouvement de bras suffisant pour provoquer, sans aucun bruit, l’incandescence de la lampe.
L. GRANDEAU
Source : L. Grandeau , «La torche électrique»,
Journal d'agriculture pratique, 1895, vol. 1, p. 253.