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La meule émeri de l'Américain Plano pour affûter les lames de faucheuses

L’affûtage des lames de scie dans les instruments de moisson est une opération que beaucoup d’agriculteurs jugent accessoire : elle est cependant essentielle. En effet, avec un mauvais outil on ne saurait faire que du mauvais travail ; si la coupe n’est pas franche, il se produit dans l’ensemble de la machine des résistances anormales, les organes s’usent rapidement, les animaux supportent une fatigue inutile, et, en particulier, dans les prairies, une fauchaison défectueuse entraine une diminution des récoltes ultérieures.

L’aiguisage se fait avec des meules en grès ou en émeri. Les meules en grès sont les plus répandues et elles donnent les meilleurs résultats ; leur seul inconvénient est que, par suite de leur volume et de leur poids, leur transport hors de la ferme est, pour ainsi dire, rendu impossible. Aussi, les meules en émeri, dont l’emploi s’est généralisé dans l’industrie, semblent également pour nos besoins présenter de réels avantages, par ce fait que leurs dimensions réduites les rendent très portatives.

Ces meules, produites artificiellement, sont composées d’une part d’un mordant qui est l’émeri, d’une autre d’un ciment ou agglomérant qui peut être du caoutchouc, de la gomme-laque, du chlorure de magnésium ou bien encore un mélange de colle forte et de tanin.

En Angleterre et en Amérique, les constructeurs d’instruments de récolte, ont établi des dispositifs variés pour le montage de ces meules : parmi ces nombreux types, nous en décrirons deux nettement différenciés : le premier, de la maison Plano ; le second, de la Deering. Le type Plano (fig. 41 et 42) comporte comme organe essentiel la meule M qui a environ 10 centimètres de diamètre et 9 d’épaisseur : elle est, sur son pourtour, taillée en biseaux, ce qui permet l’affûtage simultané de deux demi-sections F consécutives ; elle reçoit un mouvement de rotation de la roue A par l’intermédiaire du pignon a en même temps que le levier F sur lequel est monté son axe est soumis à une oscillation régulière autour du point n ; cette oscillation est due au déplacement d’une came ou excentrique G, solidaire de la roue P conduite par le pignon p ; le tout est monté sur le bâti de fonte B qui peut être fixé soit sur une simple planche, soit sur une roue de la machine. On peut dès lors comprendre le fonctionnement de l’appareil : la lame L fixée sur le porte-lame D par la vis de pression v se trouve en contact avec la meule, dont l’effet résultant des deux mouvements précités est d’user sur toute sa longueur le tranchant des sections ; le porte-lame peut tourner autour de l’axe vertical E afin qu’on puisse ne présenter à la meule qu’une demi-dent, au cas où celle-ci se trouvant ébréchée, l’autre serait encore intacte.

Dans la Deering (fig. 43 [non reproduite ici]), nous retrouvons la meule M commandée par le train d’engrenages A a P p ; l’axe de la meule est fixé à une extrémité du levier F dont l’autre est mobile au point n. La pression sur la meule n’est plus automatique comme dans le modèle précédent, mais est obtenue par l’action de l’ouvrier sur la poignée D. La patte b qui est appuyée sur la lame par l’intermédiaire de l’excentrique e, permet une prompte fixation de la scie.

Le travail de ces meules, quelle que soit leur origine, est très rapide, et c’est pourquoi il y a lieu de prendre certaines précautions : il ne faut pas faire tourner la meule à une vitesse qui détermine la production de nombreuses étincelles, car alors un échauffement intense se produit, entrainant la rayure de la lame et la détrempe de l’acier.

En résumé, ces instruments sont très pratiques dans les travaux exécutés loin de la ferme et leur emploi est assez simple pour que le conducteur de la faucheuse ou de la moissonneuse puisse lui-même repasser ses barres de coupe ; toutefois, il est bon d’avoir trois ou quatre lames de rechange, en particulier dans les terres caillouteuses, afin de n’être pas obligé de les remettre en état au cours même d’une attelée.

Paul DROUARD

Source : P. Drouard , «Affûtage des scies de faucheuses et de moissonneuses», 
Journal d'agriculture pratique, 1900, vol. 2, p. 264-266.

lien: 
oui
n°: 
1
nom de la galerie: 
Galerie 1 : une revue généraliste
nom ouvrage: 
La modernisation de l'agriculture
titre de l'exposition: 
La modernisation de l'agriculture à travers les illustrations du Journal d’Agriculture Pratique