Dans une étude générale sur les moissonneuses-lieuses, parue dans le Journal d’Agriculture pratique, M. Ringelmann écrivait : «On a dit bien des fois que l’histoire du blé c’est l’histoire de l’homme. En effet, dès que les hommes de nomades passèrent à l’état sédentaire, ils entreprirent la culture du blé, et de tous temps cette récolte a été considérée comme la source principale de l’approvisionnement des peuples. L’une des opérations les plus importantes est évidemment celle de la récolte, qui doit avoir lieu au moment donné où les conditions sont les plus favorables. La récolte s’est, pendant très longtemps, effectuée à bras, à l’aide d’instruments, et les machines spéciales ne se sont répandues que sous l’influence de causes d’ordre purement économique.
«En principe, les moissonneuses-lieuses portent en arrière de la scie un tablier rectangulaire. Les tiges de céréales sont couchées sur le tablier par un rabatteur à axe horizontal, formé de six ailettes montées à la façon des dévidoirs. Le tablier est constitué par une toile sans fin, horizontale, animée d’un mouvement continu qui amène les tiges coupées du côté de la roue porteuse. Là les tiges sont prises par un élévateur oblique, qui les remonte au-dessus de la roue et les rejette de l’autre côté sur une table inclinée où elles sont prises par l'appareil lieur. L’élévateur est formé de deux toiles sans fin, parallèles, animées d’une même vitesse linéaire. Ces toiles, ainsi que celle du tablier, sont garnies, de distance en distance, de petits liteaux en bois, qui ont pour effet de retenir les céréales et de faciliter leur entraînement. Ces toiles passent sur des rouleaux en bois qui leur communiquent le mouvement.
«Afin de faire un bon travail, il faut que les épis soient régulièrement placés au même niveau les uns que les autres dans la botte ; pour arriver à ce résultat, les moissonneuses-lieuses sont pourvues d’un égaliseur... Les céréales sont prises au débouché de l’élévateur et de l’égaliseur par un mécanisme chargé d’en effectuer la botte ; l’aiguille lieuse, toujours articulée sous la table, est animée d’un mouvement circulaire alternatif ; lorsque la botte est faite, elle est mise en mouvement par une manivelle, remonte, entoure la botte et présente le bout du fil à l’appareil noueur... Lorsque l’aiguille est arrivée à l’extrémité de sa course, l’appareil noueur se met en marche, effectue la boucle du lien, puis ce dernier est coupé : l’aiguille redescend et la botte liée est rejetée de la table...»
Les principes précédents sont applicables à la nouvelle moissonneuse-lieuse Plano qui figure à l’Exposition universelle. Les agents en France sont les maisons très connues : Lefebvre-Albaret ; Laussedat et Cie, de Rantigny, dans l’Oise, Champenois-Rambeaux et Cie de Cousances-aux-Forges, dans la Meuse, et Gaboriau fils et Chevalier, de Surgères, dans la Charente-Inférieure.
La moissonneuse-lieuse Plano, représentée en vue générale par la figure 9l, est montée sur un bâti indéformable, très bien établi, en pièces d’acier solides et légères ; l’ensemble est ouvert à l’arrière afin de pouvoir couper des récoltes très hautes ; la roue porteuse et motrice est entièrement en acier ; les rabatteurs sont montés à friction, ce qui évite tous les accidents lorsqu’on fonctionne dans des champs parsemés d’arbres ou lorsqu’on coupe le long des haies. L’appareil lieur, actionné par des leviers combinés, est connu sous le nom d’appareil à levier Jones, qui jouit d’une bonne réputation aux Etats-Unis et remplace de nombreuses roues dentées ou roues à chaîne ; le noueur n’est formé seulement que de seize pièces, ce qui simplifie beaucoup la surveillance et l’entretien de cet organe, dont le réglage était si délicat dans les anciennes moissonneuses-lieuses.
Au sujet du noueur, on nous a montré un certificat américain, dans lequel il est dit que 391000 gerbes ont été liées par un même lieur à levier Jones, sans avoir eu besoin d’ajuster ou de modifier différentes pièces et que, dans l’état où il était à la fin de cette expérience, le lieur aurait pu faire encore autant de travail avec la même précision. Ce lieur, qui aurait fait ainsi près de 400000 gerbes, représentant pour de très bonnes récoltes de notre pays, un travail de près de 250 hectares (à raison de 1600 gerbes de 6,4 kg à l’hectare) est donc très bien établi et offre toute garantie.
La machine peut être pourvue, à volonté, d’un volant monté à friction ; ce volant, de 0,48 m de diamètre, qui fait environ dix tours par mètre parcouru par la moissonneuse, diminue les à-coups de l’attelage et facilite le liage lorsque la moissonneuse traverse des passages difficiles, ou lorsqu’elle tourne à la corne d’un champ.
En travail pratique, dans une très forte récolte de blé, la moissonneuse-lieuse Plano, attelée de deux chevaux, emploie environ trois heures pour couper et lier un hectare (dans ce temps, il y a environ deux heures et quart nécessaires à la coupe et au liage, le reste étant pris par les tournées, par les graissages et les arrêts ordinaires de la pratique).
La moissonneuse-lieuse Plano est pourvue d’un porte-gerbes très simple, léger et efficace. Comme dans toutes les machines analogues, la consommation de ficelle est en raison de l’importance de la récolte et peut être estimée à près de 4 kg par hectare, dans nos belles récoltes de 100 à 110 quintaux de gerbes à l’hectare.
E. DELIGNY
Source : E. Deligny , «La moissonneuse-lieuse Plano»,
Journal d'agriculture pratique, 1900, vol. 1, p. 650-652.