L’association pomologique de l’Ouest avait inscrit dans le programme du congrès qui s’est tenu à Vannes le mois dernier, au nombre des questions à l’ordre du jour, celle de savoir si en Bretagne, on doit continuer de cultiver les arbres à cidre en plein champ ou si le temps est venu de les disposer en verger.
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Mais la Bretagne et la Vendée ont-elles intérêt à créer des vergers qui leur éviteront de planter des pommiers dans les champs qu’elles labourent et cultivent ? Les avis sur cette question sont très divergents. Les uns soutiennent que les pommiers végètent toujours mal dans les terres engazonnées et qu’il faut, dès lors, suivre les errements du passé et les planter dans les champs destinés aux plantes fourragères (et aux céréales ; les autres sont convaincus que les pommiers qu’on a plantés dans les herbages et qui reçoivent les soins annuels qu’ils réclament sont toujours en bon état et productifs ; enfin quelques-uns se plaisent à dire que le bétail qui vit dans les prairies ornées d’arbres fruitiers nuit beaucoup à ces derniers en se frottant contre leurs troncs jeunes ou vieux. Il est très vrai qu’on possède aujourd’hui des armatures ou tuteurs défensifs suffisamment solides pour résister à l’action des bêtes à cornes qui sont surexcitées soit par des insectes, soit par un soleil ardent, mais on persiste à soutenir que ces engins protecteurs n’empêchent nullement le bétail de compromettre l’avenir des jeunes pommiers ou poiriers. Les faits qu’on observe chaque jour, en Normandie, autorisent à dire que ces objections ont peu de valeur.
Les branches inférieures des pommiers plantés dans les terres labourables sont parfois endommagées par les animaux d’attelage ou le passage des véhicules ; celles des mêmes arbres existant dans les pâturages subissent souvent les mêmes altérations, surtout quand elles sont très retombantes ; mais dans ce dernier cas on peut aisément éviter tout dommage et prévenir tout accident en utilisant la bricole normande (fig. 55), harnais simple qui empêche les animaux de lever la tête et qui a le grand avantage de les rendre dociles et moins vagabonds.
J’ai rappelé qu’on arguait contre la plantation des pommiers, dans les prairies et les herbages, l’action nuisible des plantes composant le gazon sur les racines de ces arbres. Cette opinion est toute gratuite ; jusqu’à ce jour elle n’a pas été justifiée par les faits qu’on observe, chaque année, dans les contrées herbifères de la Normandie, où l’on admire de magnifiques pommiers. Toutefois, si ces arbres continuent à bien végéter, à être productifs, c’est parce que, chaque année, on bêche, on fume la terre qui environne leurs troncs et qu’ils profitent des déjections du bétail qui y pâture pendant la belle saison.
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Gustave HEUZÉ
Source : Extrait de G. Heuzé , «Culture du pommier et du poirier à cidre
en plein champ et en verger»,
Journal d'agriculture pratique, 1893, vol 2, p. 738-741.