[...]
Avant d’être administré aux animaux, l’ajonc marin doit avoir été soumis à une préparation particulière : c’est qu’il importe de diviser les rameaux et de briser ou amortir les épines nombreuses et très fortes qu’ils présentent ; sans cette préparation, les animaux le refuseraient complètement. On conçoit, en effet, que des épines aussi longues, aussi raides que celles de l’ajonc doivent piquer, blesser le palais des animaux qui s’en nourrissent. Cependant on remarque tous les jours que les chevaux qui vivent presque continuellement sur les landes et les bruyères mangent avec facilité l’extrémité des jeunes pousses.
Lorsqu’on se trouve dans l’obligation de faire préparer les ajoncs à bras, on opère de la manière suivante (fig. 26) :
Après qu’une partie des pousses récoltées a été placée dans une auge en bois, dont le fond doit avoir 0,16 m au moins d’épaisseur, on la divise, c’est-à-dire on la coupe au moyen d’un instrument, en forme de hache, en tronçons de 3 à 5 mm de longueur. On peut aussi opérer cette division beaucoup plus rapidement à l’aide d’un hache-paille desservi par deux ouvriers. L’auge qui sert à diviser et à piler les pousses ne doit pas être très grande ; 2 mètres de longueur, 0,5 m de largeur et 0,35 m de profondeur suffisent toujours. Si la capacité de l’auge était considérable, les tiges et les épines ne seraient pas suffisamment coupées et broyées. Il faut avoir soin de pratiquer à la partie basse de l’auge un trou par lequel s’échappera l’eau que l’on verse sur les pousses.
Quand la totalité des ajoncs récoltés est divisée ou coupée, on les mouille pour que l’autre opération, le pilage, soit plus facile à exécuter ; la quantité d’eau nécessaire est d’environ 6 à 8 litres par 50 à 60 kilogrammes de pousses herbacées. Dans la basse Bretagne, on se dispense souvent de les humecter, parce qu’on mêle, parmi elles, des substances vertes ; l’ajonc ainsi préparé est regardé comme moins échauffant.
Les pousses mouillées, on les pile, on amortit l’action de ses épines. L’instrument dont on se sert pour exécuter cette opération est un long marteau en bois dont la partie inférieure est garnie de forts clous. On juge du moment où doit cesser le pilage, lorsqu’en pressant entre les doigts la masse herbacée qui se trouve dans l’auge, on n’éprouve plus l’action, malfaisante des épines. C’est à tort qu’on réduirait en pâte les ajoncs ; aussitôt que les piquants ont été détruits, on doit retirer de l’auge la masse fourragère qui s’y trouve et la remplacer par des pousses divisées ; celles pilées sont déposées dans un panier ou autre vase qui soit transportable à l’écurie.
Il est essentiel, lorsqu’on fait usage de cette nourriture, de bien connaître le moment de terminer la seconde opération. Si l’on pile le matin les ajoncs pour les donner le soir au bétail, ils prennent une teinte brune ou noire, au lieu de la belle couleur verte qu’ils avaient primitivement. La substance n’a pas perdu pour cela de sa qualité nutritive, mais presque toujours les chevaux la mangent avec moins de plaisir, d’avidité. Il faut, autant que cela ne dérange point les travaux de la ferme, les récolter et les diviser dans la matinée. C’est durant l’après-midi que l’on commence à les piler, de telle sorte que ce second travail soit terminé le soir, au moment où les attelages rentrent des champs.
[...]
Gustave HEUZÉ
Source : Extrait de G. Heuzé , «L'ajonc marin»,
Journal d'agriculture pratique, 1887, vol. 1, p. 406-410