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Étable à vaches de M. Martenot, dans l'Allier

L’étable dont nous donnons la description appartient à M. Martenot, un des grands propriétaires de l’arrondissement de Montluçon (Allier) ; le domaine s’étend aux environs immédiats de la ville de Commentry et est appelé les Forges, en raison de l’établissement métallurgique voisin. M. Martenot a compris le parti qu’il y avait à tirer de cette situation, à proximité d’une ville de 14000 habitants, dans la vente du lait en nature : il a dressé les plans et construit, pour une cinquantaine de vaches, une étable où les animaux sont placés dans les meilleures conditions pour fournir un lait abondant et de bonne qualité.

Le bâtiment couvre une surface rectangulaire de 40 mètres de longueur sur 22,5 m de largeur, soit de 9 ares. Il se compose de la vacherie proprement dite et d’un grenier pour l’emmagasinement des fourrages. La charpente (fig. 101), dont les pièces de fort équarrissage sont en chêne et les autres en sapin, comporte essentiellement quatre rangées de poteaux carrés de 0,2 m d’arête a b a’ b’, espacés de 3 mètres sur chaque ligne ; ils déterminent ainsi la disposition du bâtiment : au centre un hall de 5 mètres de large et 3,5 m de haut, à droite et à gauche, les vacheries E. La toiture, faite de tuiles plates, est supportée par des arbalétriers e contrefichés en f et retenus par les tirants t en fer profilé, soulagés eux-mêmes par les poinçons p. Les longs pans c protègent le grenier G dont le plancher h est mobile sur une largeur médiane n de 0,95 m, dans toute la longueur du bâtiment ; ce dispositif permet de créer des ouvertures pour la manutention du foin ; malheureusement il est impossible de rendre un tel parquet étanche et le foin directement en contact avec lui se trouve gâté par la condensation des vapeurs issues de l’étable. Les murs qui closent l’édifice, ayant un rôle de protection et non pas de soutien, sont réduits à l’épaisseur d’une demi-brique (0,11 m) ; les fenêtres sont disposées sur les deux longs pans.

Le sol a été rendu aussi imperméable que possible : ainsi, l’aire du hall H est recouverte, sur une épaisseur de 0,15 m d’un béton de chaux hydraulique (1 partie de chaux, 3 d’eau, 6 de mâchefer en place de cailloux) ; le sol des étables E est également en béton avec cette différence, qu’on a substitué au mâchefer des fragments de briques anciennes découvertes dans la région et fournissant un conglomérat très résistant, à la fois, au piétinement des animaux et à l’infiltration des urines. Les déjections liquides s’écoulent par des rigoles r grillées qui communiquent tous les 3 mètres avec un canal souterrain s ; cet égout, formé de pieds-droits en briques et d’une voûte en béton, règne sous le trottoir i de l’étable avec une pente de 2 cm par mètre pour déboucher à la naissance d’une aire à fumier s’étendant devant le pignon postérieur de la construction.

M. Martenot a, en outre, établi des rails sur lesquels roulent des wagonnets Decauville : une voie centrale se prolonge à l’extérieur jusqu’à l’atelier de préparation des aliments ; sur les côtés deux autres voies facilitent le transport des litières sur l’aire à fumier.

Les mangeoires m, cimentées, sont élevées à 0,3 m au-dessus de l’emplacement des vaches V, mais sont de niveau avec le hall H. Il y a trois crèches pour deux bêtes ; celle du milieu est réservée aux aliments solides, tandis qu’on verse dans les deux autres la boisson nécessaire. L’approvisionnement en eau est d’ailleurs assuré par l’existence de deux fontaines intérieures communiquant avec un réservoir de tôle surélevé, d’une capacité de 50 mètres cubes, placé en dehors de la vacherie.

Les animaux sont de chaque côté du hall placés au nombre de deux par intervalle de poteaux et disposent, par suite d’une largeur de 1,5 m sur une profondeur de 2,6 m. Pour prendre leurs aliments dans la mangeoire, ils passent la tête au travers des barreaux d’une grille d, comme dans les vacheries hollandaises, et ils sont attachés par deux chaînes dont les anneaux extrêmes glissent dans deux barres verticales, ce qui réduit les mouvements de droite à gauche, tout en laissant libres ceux de haut en bas.

Le long des murs sont les cases à veaux C limitées par des barrières à claire-voie, en chêne, de 0,9 m de hauteur avec séparations de 3 en 3 mètres : on peut ainsi placer les jeunes derrière leur mère.

Le bâtiment est fermé par des portes en deux parties supportées par des galets qui roulent sur des rails supérieurs. A l’extérieur sont des avant-toits A sous lesquels on met à l’abri les divers instruments de l’exploitation.

La disposition de l’ensemble est, comme on le voit, assez simple : elle supprime toute fausse manœuvre et permet à trois ouvriers de faire, eux seuls, la préparation de la nourriture, la traite, le pansage... en somme tout le service de la vacherie. Les habitants, malgré leur grand nombre, jouissent d’une complète tranquillité, car on peut leur donner les aliments sans les déranger et aussi souvent qu’on le juge à propos. D’autre part, le jeune bétail se trouvant dans des cases, sans aucune attache, jouit de la liberté entière de ses mouvements et s’élève d’autant mieux.

[…]

Paul DROUARD
ingénieur agronome

Source : Extrait de P. Drouard , «Une étable de vaches laitières», 
Journal d'agriculture pratique, 1900, vol. 1, p. 756-757.

lien: 
oui
n°: 
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