Vestiges de la Seconde Guerre mondiale

Type de site : 1 - Centre hospitalier
Commune : SAINT-LÔ

Désignation

Le souterrain de Saint-Lô Souterrain... Tunnel... Les deux mots ont toujours été indifféremment utilisés. Et cependant, quand on découvre l'endroit on constate qu'il ne mène nulle part. C'est donc bien d'un souterrain qu'il s'agit. Il est vrai que si son existence intrigue encore aujourd'hui nombre de ceux qui n'ont pas eu l'occasion de s'y rendre, l'ouverture d'un chantier à cet endroit, décidée en mars 1943 par l'Autorité d'Occupation, ne manqua pas non plus d'étonner les Saint-Lois qui se demandaient quelle pouvait être la nature des travaux entrepris là. D'autant que très rapidement ces derniers allaient être dissimulés à leur vue. Sur une centaine de mètres environ, la rue de la Poterne, beaucoup plus étroite qu'aujourd'hui, fut fermée. Côté carrefour de l'hôpital, actuellement carrefour du 6 juin, une palissade d'environ 2,50m de haut fut placée entre le rocher et le mur d'un des bâtiments de l'hôpital lui faisant face. A l'autre extrémité et dans l'alignement de la passerelle pour piétons, qui à l'époque enjambait la Vire et donnait accès à la place de la gare, une fermeture mobile, genre passage à niveau permettait l'entrée des camions du chantier et des véhicules se rendant à l'hôpital. Toute personne étrangère au chantier fut bien sûr interdite de circulation dans cette zone. Cela n'empêcha pas les Saint-Lois de se rendre compte, au bout de quelques semaines, qu'il s'agissait de travaux de percement du rocher et l'idée se répandit que les allemands creusaient là un tunnel, pour sans doute, y installer un hôpital, édifié donc sous le terrain de l'enclos, à l'aplomb du jardin public (il faut rester très prudent selon nous quant à cette explication donnée par les Allemands eux-mêmes). L'entreprise allemande, en charge du chantier, la « TUNNEL UND TIEFBAU » avait son bureau sur la place des Beaux Regards. Elle employait trois personnes dont une allemande. Cinq autres allemands, des civils, intervenaient sur le chantier proprement dit : un ingénieur, deux surveillants dont un prénommé Gustave, un mécanicien répondant au prénom d'Herman et un perceur travaillant au tunnel. Le reste de l'effectif comprenait une dizaine de français, requis au titre du STO (Service du Travail Obligatoire), quatre nord-africains et deux italiens, maçons de profession. Le temps de travail était de onze heures : 7h/19h – une heure pour le repas – pour une semaine de 6 jours. Les renseignements que nous ont laissés deux des français du chantier nous permettent de mieux apprécier la façon dont les travaux étaient conduits. Le plan de l'ouvrage comprenait deux galeries parallèles desservant sur leur parcours des salles plus ou moins importantes. On commença par percer la galerie de gauche, puis celle de droite (celle qui subsiste aujourd'hui). Le creusement s'effectuait à l'aide de perceuses actionnées de l'extérieur par un gros compresseur. Quinze à vingt trous étaient ainsi percés puis remplis de bâtons de dynamite, la dernière cartouche étant munie d'un détonateur avec un cordon d'un mètre. Au début des travaux, avant la mise à feu, un coup de trompette prévenait le personnel de l'hôpital qu'il convenait de procéder à l'ouverture de toutes les fenêtres donnant sur la rue. Quelques minutes après l'explosion, l'équipe qui en était chargée pénétrait dans l'excavation ainsi obtenue pour procéder à l'évacuation de plusieurs mètres cubes de roche schisteuse, assez fragile, géologiquement appelée « phyllade de Saint-Lô ». On y procédait à l'aide de wagonnets utilisés sur une voie de chemin de fer de faible écartement, à l'exemple des trains DECAUVILLE, du nom de l'inventeur de ce moyen de transport utilisé notamment dans les carrières. Une fois à l'extérieur, ces wagonnets étaient tirés à l'aide d'un treuil le long d'un plan incliné et leur contenu déversé dans des camions d'une entreprise parisienne réquisitionnée. On n'a aucune information sur la destination que prenaient alors les camions, mais les petites routes et chemins des environs de Saint-Lô en auraient, parait-il, bénéficié. A l'intérieur du rocher, il restait alors, pour parfaire la voûte, à faire tomber les morceaux dangereux ou présentant quelques aspérités. On le faisait à l'aide de marteaux-piqueurs parfois tenus à bout de bras. Le coffrage était assuré avec des poutrelles de fer cintrées et des planches posées au fur et à mesure de la montée du béton acheminé d'une bétonnière extérieure. Dans les salles que desservaient les galeries, on collait sur les parois en béton, à l'aide d'un goudron très chaud, des rouleaux de caoutchouc, puis les maçons intervenaient pour poser les briques. Ces dernières auraient été fabriquées dans une briqueterie située rue Guillaume Michel à Saint-Lô. La progression se faisait par tranche d'un mètre cinquante environ. L'achèvement de la première salle permit la mise en place d'un groupe électrogène et l'installation le long de la paroi d'une canalisation permettant l'évacuation des eaux usées et la pose de câbles nécessaires. Dans la partie la plus profonde, un puits permit ultérieurement de subvenir à certains besoins en eaux. Le groupe électrogène assurait l'éclairage des lieux. LE 6 JUIN 1944 En juin 1944, soit quinze mois après le début des travaux et même si l'on peut penser que ces derniers étaient en voie d'achèvement, le souterrain n'en gardait pas moins encore l'aspect d'un chantier. Et pourtant, si jusqu'alors il leur avait été interdit d'accès, c'est par centaines que les Saint-Lois allaient bientôt s'y trouver rassemblés et s'il ne serait jamais l'hôpital qu'il était appelé à devenir, il allait tout à la fois leur servir de lieu de refuge et de centre de soins. Particulièrement mouvementée, avec une activité aérienne intense, la nuit du 5 au 6 juin avait jeté l'émoi parmi la population. Dans la matinée, pour parer à toute éventualité, la maternité ainsi que les personnes âgées de l'hôpital hospice furent évacuées. Restaient les malades et le personnel infirmier dont dix sept religieuses de l'ordre de Saint Paul de Chartres, soit une soixantaine de personnes. Inquiète sur les risques qu'elles encouraient, la mère supérieure des religieuses sollicita de l'officier responsable de la partie de l'hôpital réservée aux allemands l'autorisation de les transférer dans le souterrain. Tout d'abord, il s'y refusa, mais sur l'insistance de la religieuse et après contact avec le commandant VON BÜLOW de la Kreisskommandantur, l'autorisation fut donnée et en fin d'après midi l'opération de transfert était terminée. Mais dans l'esprit des responsables de l'hôpital, il s'agissait tout au plus, et pour un temps réduit, de se mettre à l'abri d'effets collatéraux, comme l'on dit aujourd'hui, des interventions aériennes telles que celles survenues dans la journée sur le transformateur d'Agneaux et un train de marchandises stationné en gare de Saint-Lô. En réalité, dès le premier bombardement, et VON BÜLOW ayant en fait donné son accord pour qu'en dehors des personnes hospitalisées, d'autres Saint-Lois puissent éventuellement y être accueillis, ils étaient déjà nombreux dans le tunnel lorsque les sinistrés du milieu de la nuit arrivèrent. Ils venaient de vivre des moments d'épouvante, laissant derrière eux leur maison en ruine mais parfois aussi un être cher, un ami, un voisin qui n'avaient pas eu leur chance. Très rapidement plusieurs centaines de personnes se trouvèrent rassemblées là, les unes allongées à même le sol ou sur un matelas, d'autres adossées aux parois ou assis sur un banc ou quelques briques empilées faisant office de siège. Parmi eux, des blessés, certains gravement, nécessitaient des soins que le matériel à disposition ne permettait pas de prodiguer. Fort heureusement tout de même, se trouvaient là le docteur BENOIT, chirurgien, le docteur ZENFELD, médecin contrôleur des Assurances Sociales et M. LEFRANÇOIS, pharmacien. Ce dernier prit, en quelque sorte, la direction des opérations et dans un premier temps s'entretint avec la supérieure des religieuses, sœur Lucie, des besoins physiologiques que manifestaient certains et auxquels il convenait de répondre rapidement. Dans l'hôpital, encore indemne à ce moment là, les sœurs récupérèrent quelques seaux hygiéniques et les placèrent dans des endroits aussi retirés que possible. Une règle stricte en fixa l'utilisation. La lingerie de l'établissement assura quelque pansements et des couches pour les jeunes enfants. Disposant d'une petite mallette de secours, M. LEFRANÇOIS parcourut les galeries, distribuant compresses et badigeons de mercurochrome, Quelques produits furent aussi récupérés dans une pharmacie de la rue Torteron juste avant qu'elle ne soit, à son tour, la proie des flammes. De son côté, le Dr BENOIT, près d'une table qui allait lui servir de table d'opération, s'occupait des cas les plus sérieux à l'aide de quelques instruments chirurgicaux qui avaient pu être mis à sa disposition. Mais les anesthésiques faisaient défaut. Par ailleurs, et bien qu'à l'abri, les réfugiés subissaient encore les conséquences du bombardement. Chaque fois, en effet, qu'une bombe à retardement éclatait à proximité, le souffle pénétrant par la bouche d'aération située à deux ou trois mètres au dessus du plafond des galeries, provoquait des vibrations donnant l'impression à chacun que le plafond s'affaissait puis remontait... Ceux qui étaient valides ayant été invités à partir, un tiers des personnes présentes prit la route de l'exode, par petits groupes, pour éviter d'attirer l'attention de l'aviation. Mais ce n'est qu'à l'aube du 9 juin que la décision d'évacuation générale fut prise. Les malades et les blessés légers furent dirigés vers le haras, les personnes touchées plus sérieusement emmenées vers le Hutrel. Les religieuses se partagèrent les groupes. Les derniers quittèrent le souterrain dans le courant de l'après-midi. LE SOUTERRAIN AUJOURD'HUI ... Voilà ce que l'on peut dire aujourd'hui de sa configuration : extérieurement, il n'est plus aussi apparent qu'il l'était au lendemain de la guerre. En effet, pour remédier aux crues que la Vire avait déjà connues, lors de la rénovation de cette partie basse de la Ville, les berges de la rivière ont été à ce point relevées que l'aspect du quartier des Alluvions en a été sensiblement modifié. De ce fait, quand on est face au rocher, des deux entrées qui existaient en 1944, celle de gauche n'est plus visible. Elle se trouvait sur la droite des premiers mètres de la rampe qui conduit au jardin public. Par contre, obstruée par un grillage, l'importante ouverture que l'on aperçoit dans le rocher n'est autre que l'entrée de la bouche d'aération dont l'autre extrémité peut être vue d'une salle du souterrain. La seule entrée qui demeure est celle de droite, mais elle se trouve désormais à 2,50m au dessous du niveau actuel de la rue de la Poterne. Et le muret qui en protège l'accès n'en laisse apparaître que la partie supérieure. A l'intérieur, les lieux se présentent dans l'état d'avancement où ils se trouvaient en juin 1944. A très courte distance de l'entrée, le couloir d'accès, long d'environ 50 mètres, dessine un léger coude sur la gauche. Puis il parvient tout aussitôt devant un sas de sécurité fait de 2 portes surbaissées, avec battants blindés, séparées de trois mètres l'une de l'autre. Le couloir dessert alors, sur sa droite, deux petites salles d'une dizaine de mètres environ de profondeur et sur sa gauche, deux grandes salles profondes de cinquante mètres avec dans la première, bien visible, l'arrivée de la bouche d'aération. L'ensemble occupe une surface de 800m² et les roches extraites ont été estimées à quelques 3250m3, soit plus de 8 700 tonnes. Les locaux étant disponibles, le BUFFALO CLUB- devenu en 1987 TIR SPORTIF SAINTLOIS – obtint, par convention avec la municipalité en date du 4 mai 1976, l'autorisation d'y installer Les locaux étant à nouveau disponibles, le BUFFALO CLUB- devenu en 1987 TIR SPORTIF SAINTLOIS – obtint, par convention avec la municipalité en date du 4 mai 1976, l'autorisation d'y installer son siège et de procéder aux aménagements nécessaires au développement de ses activités. son siège et de procéder aux aménagements nécessaires au développement de ses activités. Ce texte a été rédigé par Jean Mignon en 2008. Nous l'avons seulement quelque peu abrégé par nécessité. Pour clore son historique de cet ouvrage, Jean Mignon a cité en référence les ouvrages et parutions suivantes : - Quand les allemands occupaient la Manche, Auguste Louis LEFRANCOIS – Editions OCEP – 1979 - Saint-Lô au Bûcher, Maurice LANTIER – Imprimerie Jacqueline – 1969 - Correspondance de Saint-Lois requis au titre du STO, R. LEROUX et L. JEAN

Photographie(s)

Présentation

Armement : forces terrestres allemandes

Nombre d'élément du site : 1

Nombre d'éléments visible du site : 1

Taux de visibilité : 100 %

Approche patrimoniale

Intérêt exceptionnel : oui

Protection au titre des Monument Historique : non

Communication des données : oui

ZPPA : non

Période de construction : 1940 – 6 juin 1944

Suivi

Auteur : Stéphane Lamache

Date de rédaction : 14/11/2020

Auteur de la mise à jour : Stéphane Lamache

Date de la mise à jour : 01/02/2021

Le site est localisé sur le territoire de la commune de Saint-Lô. Un relevé topographique de ce site a été réalisé par la DRAC sur image aérienne en Novembre 2020. Le propriétaire a été contacté au sujet d'éventuelles destructions d'ouvrages sur son sol. Un dossier iconographique a été réalisé sur l'ensemble des éléments composant ce site. Aucune protection de ce site n'a été mise en place à la date de la réalisation de cette fiche.

S003_E001

Type de site : 1 - Centre hospitalier
Descripteur : Galerie souterraine

Désignation

Voir fiche site.

Photographie(s)

Gros œuvre

Type de matériau : béton armé

Type de matériau : pierre

Technique de construction : coffrage

Artillerie

Pièce d'artillerie présente au 6 juin 1944 : non

DCA (Flak) : non

Approche patrimoniale

Elément visible : oui

Niveau de dégradation : bien préservé

Etat sanitaire : bon

Altération chimique : non

Altération biologique : non

Altération structurelle : non

Environnement : environnement urbanisé dense

Danger : non

Période de construction : 1940 – 6 juin 1944

Propriétaire : association

Utilisations postérieures : Autre

Source localisation : Geoportail

Précision localisation : imprécis

Propriétaire : public

Intérêt exceptionnel : non

Protection au titre des Monument Historique : non

Communication des données : oui