| Type de site : 1 - Hébergement collectif civil | Commune : | Lieu-dit : Carrière Pochiet |
Par Laurent Dujardin. A partir de 1983, une étude de l’exploitation de la pierre à bâtir à Caen et en Normandie a été entreprise. La période couverte allait de l’époque médiévale à la fin de l’époque moderne mais il fallait aussi prendre en compte les travaux plus récents afin de repérer et d’étudier les plus anciens. La recherche archivistique et les investigations archéologiques ont été menées en parallèle sans privilégier l’une ou l’autre tout en les faisant interférer au maximum. La démarche archéologique a consisté à visiter et à observer en détail les sites souterrains pour tenter d’établir des chronologies et définir des marqueurs chronologiques. Des suivis de travaux souterrains et quelques sondages ont apporté des informations complémentaires. Au cours des nombreuses visites, des traces liées au second conflit mondial ont été repérées dans l’agglomération caennaise et ailleurs en Normandie. Jusque 2005 environ, ces observations ont été considérées comme secondaires mais non diffusées pour éviter d’attirer les pillards. Par la suite, un travail spécifiquement orienté vers les civils sous terre a été commencé, sans fouille et sans prélèvement. Un des intérêts de l’étude archéologique des sites à réfugiés est de permettre l’apprentissage de l’identification des traces spécifiquement liées à juin et juillet 1944. Cela permet d’émettre des hypothèses d’occupation de petits sites non inventoriés et non documentés comme la glacière de Lebisey. Il s’agit aussi de pouvoir faire la différence entre les déchets que l’on trouve souvent sous terre et ceux liés à l’histoire de la libération de la Normandie. Cette carrière communique avec la carrière des Coteaux par un couloir passant sous la route d’Harcourt. Elle a été ré-exploitée après la guerre puis utilisée comme champignonnière. Elle accueilli en 1944 jusqu’à 450 réfugiés. Ils vivaient selon une organisation stricte mise en place par Pochiet, exploitant des carrières, aidé par son personnel. Le ravitaillement était collectif, les portions rationnées et les réfugiés avaient interdiction de sortir afin d’en protéger un maximum des combats qui avaient lieu. Vers 1980, l’exploitation se présentait sous la forme de deux grandes salles séparées par une grande carrière rectangulaire à ciel ouvert. La salle au nord est accessible aussi par les Coteaux et se situe à l’est de la route d’Harcourt, comme le grand trou. La deuxième salle est située à l’ouest de la route d’Harcourt. Il y a une vingtaine d’années, pour gagner du terrain en surface, l’entrepreneur a eu l’idée de remplir l’excavation-canyon de terre argileuse et d’autres gravats. Les murs en parpaings, construits par les champignonnistes afin de protéger le climat des cultures, retiennent de manière aléatoire le comblement. Le puits d’extraction ayant servi aux réfugiés est maintenant fermé par une épaisse dalle de béton et la salle à l’ouest est devenue complètement inaccessible. Il est donc probable que cette zone, peu visitée tant que les champignonnistes utilisaient les carrières, recèle encore des traces du passage des civils. Les parties encore accessibles ont été prospectées, en vain. Seule une grande inscription « ne pas laisser passer personne », située dans le passage vers les coteaux est la trace matérielle de la rigueur régnant ici.


Photos : Damien Butaeye